Littérature - Chroniques littéraires
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Jean-Paul Rogues
Jean-Paul Rogues est né au Puy-en-Velay et il n’a jamais rompu avec ce territoire, montagnes et rivières. Maître de conférences en littérature du XXe , il a écrit sur Alain-Fournier, Cl. Roy, G. Haldas, Y. Raditchkov, Henri Raynal, et dans la Revue du Mauss. Il a publié Les Pires Hypothèses (LOF, 1982), Retour (Le Dé bleu 1983), S’écarter du sujet (Le Dé bleu, 1988) , Le Plateau, (Le Dé Bleu, 1993 et Revue NRF 1996), Pris dans les faits, ( Écrits des Forges/ le Graal, 1993), Des raisons très anciennes, (Hestia, 1995).
Lecture du recueil de Jean-Paul Rogues, Moi qui aimais le vent de l’histoire.


« Debemur morti nos nostraque »[1]
Notre ami Jean-Paul Rogues « aimait le vent de l’histoire », et son livre est traversé par le monde. Ce livre-compagnon parcourt l’Ukraine, la Sibérie, la Bulgarie ou la Pologne - en fait, Tomsk, Kiev, Rhodope ou la Maritza… Noms connus et lieux inconnus, du Nil à l’immensité russe, le poète chemine. « Emportant-emporté », il est traversé lui-même de pays et d’herbes folles, de textes et d’amis ; Alain Caillé et Henri Raynal (préface et postface) l’accompagnent.
L’auteur se définit comme un « Arlequin cousu de la vie des autres », dont le cœur ne serait que « pièces intimement rapportées ». Mais son recueil n’est pas un livre-arlequin ; plutôt, dans sa finesse et sa sobriété, un livre sépia ou un livre blanc, le blanc des plaines de Russie, celui du Don paisible, celui, aussi, des brèves amours éternelles ; le livre des contemplations que l’éphémère ne parvient pas à ruiner, que la mort certaine ne parvient pas à ternir. Sous sa plume, exacte et délicate, toutes ces merveilles renaissent pour le lecteur : la Perspective Nevsky où l’on sent « un vent d’étoiles bruire encore un instant » ; un paysage de neige, d’immensité brumeuse, « une maison éclairée par la lune et la gelée » ; et encore, sous l’éclat grec du soleil, oliviers et amandiers.
Debemur morti…
Toutes choses vouées à la mort ; et parfois nous constatons que la voix du poète et du professeur s’use, se fatigue, repoussée vers le néant :
"Quand les morts le sont moins que les vivants, quand le silence retombe et que ma voix, s’usant à répéter, m’est renvoyée par un écho qui ne veut pas d’elle, ce n’est pas si facile."
Ce n’est pas si facile, en effet, quand s’imposent la solitude, la maladie ou la mort ; la « saturation existentielle » et l’abandon, lorsque la mémoire de l’un ne rencontre pas celle des autres, lorsque nous envahit le « flot débordant de la douleur » : Debemur morti.
Nos, nostraque…
Ce sont alors les choses du monde, belles d’exister, qui survivent à la fin de tout, « ces choses très élues, très aimées, ces choses qui n’étaient pas miennes ». Parce que nous sommes, finalement, « passagers de toute chose », la présence du voyageur-poète va se fondre dans et par la voix des autres, la vie des autres : Raynal, Raditchkov, Tourgueniev, Pasternak. La beauté des choses va résister, décidément.
Choses aimées, lieux écrits, lieux décrits : tout ce qui en nous, et malgré l’effacement programmé, « fera orchestre ».
Choses vues, choses connues : un peu de givre sur la fenêtre, puis la stupeur de l’été ; des souvenir d’amis disparus, d’amis jamais rencontrés - plus vivants que les autres ? D’une femme aimée, moirée, disparue dans un escalier qu’elle semble descendre pour l’éternité. Des « ombres vivantes dont le souvenir constant m’accompagne ».
Pas de renoncement, mais un hymne à toutes choses qui sont nôtres… Nos nostraque.
[1] Horace, cité et traduit par Clément Rosset dans son Traité de l’idiotie : « Nous sommes dus à la mort, nous et « nos choses », (nous, et ce qui nous appartient). Autre traduction possible : « Nous sommes condamnés à la mort, nous et les ouvrages humains »
Jean-Paul Rogues, Moi qui aimais le vent de l’histoire, Editions INGED/MAUSS, avril 2020.
Gwenaëlle Ledot.
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Gorges de l’Allier, Nijni–Novgorod, Budapest, Berlin ; Milan, Paris, Parme, Kiev ou Plaine de Thrace, plage d’Espagne, et Varsovie, on pourrait se perdre facilement. De quoi s’agit-il ? Notes de pêche, femme aimée, grâce donnée ? Puits de souvenirs ? N’est-ce pas simplement l’illustration d’un malgré tout ? « …malgré la lassitude et le droit de tout et de n’importe quoi, malgré l’intelligence vulpine, la malice, la profusion des calculs, et l’immense réserve de variantes de tout ce qui peut ne pas aller et de toutes les pensées laides qui restent sans absoute, ne pourrait-on pas aimer seulement la dernière neige anxiolytique, la dernière neige tombée… » ? Et, passagers de toutes choses, nous coudoyer un peu, histoire d’être à la hauteur, hauteur d’homme, et nous laisser aller au mouvement de ce flot malgré nos histoires propres, si particulières… et ainsi se trouver en manteau d’Arlequin, plus cousu de la vie des autres que nous n’y avions songé.
Jean-Paul Rogues est né au Puy-en-Velay et il n’a jamais rompu avec ce territoire, montagnes et rivières. Maître de conférences en littérature du XXe , il a écrit sur Alain-Fournier, Cl. Roy, G. Haldas, Y. Raditchkov, Henri Raynal, et dans la Revue du Mauss. Il a publié Les Pires Hypothèses (LOF, 1982), Retour (Le Dé bleu 1983), S’écarter du sujet (Le Dé bleu, 1988) , Le Plateau, (Le Dé Bleu, 1993 et Revue NRF 1996), Pris dans les faits, ( Écrits des Forges/ le Graal, 1993), Des raisons très anciennes, (Hestia, 1995).
Editions INGED/MAUSS Collection Les extras du MAUSS 135 pages Préface d’Alain Caillé et postface d’Henri Raynal
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Présentation générale et préface d’Alain Caillé :
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Bonnes feuilles :
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