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Alexis Salatko

Auteur

Né au début des années 60, Alexis Salatko est le petit-fils d'un pianiste russe virtuose condisciple de Wladimir Horowitz. Dans Horowitz et mon père, Alexis Salatko retrace le destin de ce grand-père émigré en France après la Révolution d'Octobre. La famille Salatko échoue alors en région parisienne, à Chatou. Puis ce sera Cherbourg où le père d'Alexis s'établit comme médecin. Une enfance et une adolescence dans un port transatlantique hanté par les fantômes des stars d'Hollywood inspirera à Alexis Salatko plusieurs ouvrages, dont Un fauteuil au bord du vide. Auteur d'une quinzaine de romans et biographies salués par la critique et le public et récompensés par de nombreux prix, Alexis Salatko a aussi travaillé pour le cinéma et la télévision avec Roman Polanski et Didier Decoin. Son dernier ouvrage, China et la grande fabrique, nous entraîne à Limoges, au milieu du XIXe siècle, dans l'univers secret et envoûtant de la porcelaine.

Source : https://www.fayard.fr/auteurs/alexis-salatko

photo : © Louis Monnier

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« Il est temps de lire Alexis Salatko. » (1)

 

Horowitz et mon père, chef-d’œuvre d’Alexis Salatko publié en 2006 chez Fayard, a été récompensé par le Prix Jean Freustié et le Grand Prix Littéraire de la ville de Caen. En 2008, l’auteur fait le choix d’un long récit, tout entier consacré aux fileurs d’or, moufletiers, marcheurs de pâtes et hommes de four : une fabrique de porcelaine en 1847. Ville de porcelaine, ville de bourbe, Limoges y apparaît, médiévale, laborieuse et alcoolisée. L’itinéraire de Marc Dubreuil nous est conté par sa fille China, dont l’histoire s’entrelace à la sienne. Une rencontre, qu’on dirait rêvée, avec Camille Corot change le destin de l’enfant chétif. Le peintre, « voleur d’ombre et de lumière », donne à Marc la force d’échapper à l’enfer de la tannerie et à son bourreau Sophocle, surnommé Le Cyclope : dernier avatar de tous les Rois des Aulnes qui parcourent en prédateurs l’œuvre de Salatko. « Le privilège des bâtards n’est-il pas de pouvoir se choisir un père parmi les hommes que le hasard place sur sa route ? »

Le monde terreux de Marc voit se détacher soudain la finesse des fils d’or. Initié aux couleurs des maîtres chinois et aux contrastes de Rembrandt, Marc affine son art et devient le « peintre-fleur ». Son épouse Luna se fait muse orientale, China à son tour convoque Botticelli et Ruysdael. Jusqu’à la « mort en pleine vie » de Marc Dubreuil, l’on voit Salatko poursuivre en trait filigrané sa rêverie maîtrisée sur la création, art et artisanat. « Harmonie des mouvements, expression de la réalité, concordance des tonalités, respect de la composition, copie des grands maîtres. » Fresque romanesque, dit-on ? Art poétique sans nul doute.

 

 

Alexis Salatko, China et la grande fabrique aux éditions Fayard, janvier 2008. 20 euros.

Gwenaëlle Ledot.

 

(1) Patrick Besson dans l’hebdomadaire Marianne, à propos du roman Horowitz et mon père, publié en 2006 chez Fayard.

Alexis Salatko, Folles de Django

De l’extérieur.

Né à l’extérieur, Django Reinhardt, prince du jazz… Baptisé par l’esprit manouche à l’âge de trois ans, lors d’une fête endiablée qui ressemble à un rituel, il prend vite sa place (flamboyante) dans l’univers de la musique. De la Mare aux corbeaux jusqu’à Carnegie Hall, « le jazz avait chaussé ses bottes de sept lieues. » : grâce à son jeu, son génie et son charisme, Django parcourt le monde comme son royaume. En restant obstinément à côté, ou bien au-dessus, des gens et des choses ; traversant victoires, amours et succès. Sifflotant et insaisissable, éternel voyageur. Django, pour qui « l’enfer, c’était dedans. »

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 « Ne soyez pas hostile aux étrangers, de peur qu’ils ne soient des anges déguisés. » (Yeats).

Eclairée par ce personnage virevoltant, toute une époque renaît : c’est le Paris des années trente, des ruelles pentues du Sacré-Cœur aux jardins du Moulin de la Galette. « Un p’tit jet d’eau, une station de métro, entourée de bistrots : Pigalle. » Et les cabarets : la musique de l’artiste, des sons qui éclatent, comme une drogue… Dans l’ivresse inoubliable des jam-sessions, étourdissantes, effrénées.

Mais certainement, l’époque importe peu. L’essentiel, résolument intemporel, se mire dans les phrases de Salatko, vibrants échos des cordes de Django :

"Le ciel d’avril semblait passé à la toile émeri. L’air avait le coupant et la pureté de l’éther. Des plaques de givre encroûtaient les pavés."

Folles de lui ? Peut-être… Sans doute. Là encore, peu importe ; tout est suspendu à une autre dimension, celle de l’ailleurs, s’échappant éternellement sous les doigts de Django. Folles de lui, toutes ? Oui, mais c’est une figure majeure qui se détache, telle une symphonie : la surprenante Maggie, qui permet l’éclosion et l’avènement de Django. L’unique et l’héroïque, qui vivra dans l’ombre, et mourra pour la lumière.

 

Folles de Django, d’Alexis Salatko, éditions Robert Laffont, septembre 2013.

Gwenaëlle Ledot.

« La rencontre d’une femme déprimée et d’un homme au bout du rouleau un soir de Noël… »

Cette rencontre initiale fait surgir quelques images autobiographiques et auto-référencées : un balcon au bord du vide, un tigre de papier et Horowitz… Vie et œuvre de Salatko. Jusqu’à sa rencontre fameuse avec le cinéaste Roman Polanski, qu’il met en scène.

L’auteur s’amuse de lui-même, comme « jeune romancier à succès», écrivain naïf en pleine ascension. L’artiste cherbourgeois qui voulait croire (et pouvait écrire sérieusement) que « le crachin c’est du soleil qui mouille ». Le texte aujourd’hui dessine la Normandie en vingt-deux nuances de gris. Un gris velours, gris iodé, où renaissent les brumes de Lessay et L’Ensorcelée, la silhouette de Barbey ; l’atmosphère fascinante et lourde du Cotentin.

Puis la mémoire de son père entraîne le roman de Salatko sur un versant policier, vacillant. L’essentiel est ailleurs, au bord du vide peut-être, où la vie et l’écriture doucement se mêlent.

 

Le parieur d’Alexis Salatko, Fayard, août 2012. Gwenaëlle Ledot

Alexis Salatko, Le parieur

Jolie ma bouche et verts mes yeux.

« Absurde était le hasard qui nous avait réunis, et bien cruel le marionnettiste qui s’amusait à nous faire trébucher ». Le dernier roman d’Alexis Salatko se lit comme un écho lointain et persistant du mythique Salinger. Il y a là deux individus égarés, l’un et l’autre suicidaires. L’homme, Axel Ribolowski, se définit comme un artiste raté ; elle, Marie-Angélique, a des secrets. Leurs premiers mots échangés, entre la neige de décembre et la bruine du Cotentin, sont surréels.

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Alexis Salatko, Céline’s band

Plume non recommandable.

"Existe-t-il d’autres véritables réalisations de nos profonds tempéraments que la guerre et la maladie, ces deux infinis du cauchemar ? La grande fatigue de l’existence n’est peut-être en somme que cet énorme mal qu’on se donne pour demeurer vingt ans, quarante ans, davantage, raisonnable, pour ne pas être simplement, profondément soi-même, c’est-à-dire immonde, atroce, absurde. Cauchemar d’avoir à présenter toujours comme un petit idéal universel, surhomme du matin au soir, le sous-homme claudicant qu’on nous a donné." (Louis-Ferdinand Céline,  Voyage au bout de la nuit )

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Difficulté d’écrire Céline, d’écrire sur Céline. Haïr l’antisémite, le xénophobe, et célébrer le Voyage au bout de la nuit :

"T’ouvres Le Voyage et t’es happé… En trois lignes, Céline est là, il s’adresse à toi, il te parle dans la tête, il s’introduit dans ton système nerveux, il te raconte son histoire qui devient ton histoire, si tu t’avises de lui résister, il t’écrase du talon…"

 

Alexis Salatko écrit Céline’s band, roman biographique captivant, sur une vie dévorée et errante. « Céline, es-tu là ? » Dans une existence vouée à l’écriture, retracer l’un des cercles de l’Enfer…

 

"L’écriture le rongeait. Au fond, il n’y avait que ça qui comptait, les mots, les visions qu’il portait sur le papier avec infiniment de patience et de souffrance, tournant le dos à tout ce qu’il aimait."

 

Salatko devient chasseur d’apocalypses. Style étincelant au service d’une sombre épopée. Pose la question implacable, primaire : « Pourquoi Céline avait-il si mal tourné ? » Fouille la question lycéenne, naïve, lancinante : « Comment l’écrivain du vingtième siècle qui avait le mieux parlé de l’homme du vingtième siècle pouvait-il passer pour le pire des hommes ? »

Et martèle l’interrogation des lecteurs de Céline, devant l’horreur du pamphlet Bagatelle pour un massacre. L’incompréhension devant cette diatribe hallucinatoire et haineuse. Irrécupérable, irrattrapable.

Signe d’un mal d’époque ? Alliance hideuse et banale de la littérature et du Mal absolu :

"Ruée frénétique de l’art vers le giron totalitaire. Le surréalisme au service de la Révolution. Eluard chantant Staline en alexandrins. Aragon célébrant la Tcheka. Antonin Artaud dédiant ses Nouvelles Révélations à Hitler."

La cécité idéologique des artistes : criminelle, impardonnable, humaine.

Accepter ce paradoxe ; le disséquer à l’infini, comme le fait Salatko. Le creuser et fouiller sa chair, au scalpel. Comme le faisait Céline :

 

"Quand on sera au bord du trou, faudra pas faire les malins nous autres, mais faudra pas oublier non plus, faudra raconter tout sans changer un mot, de ce qu’on a vu de plus vicieux chez les hommes, et puis poser sa chique et puis descendre. Ça suffit comme boulot pour une vie tout entière." (Voyage au bout de la nuit)

 

Alexis Salatko, Céline’s band. Editions Robert Laffont, mai 2011.

Gwenaëlle Ledot.

 

 

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